mardi 9 mars 2010

Demain

J'ai peur. Nous avons tous peur. Nous sommes jeunes et nous ne voulons pas changer, ne pas voir le lendemain et vivre le moment présent. La loi du Carpe Diem dicte nos comportements. Nous nous disons tous que nous ne changerons pas, que nos souvenirs que nous vivons sur le moment resteront gravés à jamais et pourtant... Ce qui se passe autour de nous nous dépasse totalement et nous voilà en soirée à danser, boire ou fumer. Pourquoi ? La peur du lendemain sûrement. Le lendemain où nous devront subsister à nos propres besoins, à vivre par nous même, à invoquer notre instruction passée, notre intelligence acquise, nos compétences physiques... Ou alors la peur qu'il n'existe pas de lendemain, que tout s'arrêtera. Nous tentons de rattraper le temps perdus avant même de l'avoir chercher ou trouver. Nous tentons d'apprendre tout le plus vite possible, de tout connaître le plus vite possible, de tout essayer le plus vite possible, de profiter le plus possible, d'être adulte le plus vite possible au risque de ne jamais connaître ça. L'insécurité monte, les choses changent, trop vite. Parfois cela prend une mauvais tournure et nous le sentons. Alors nous profitons au risque de faire une bêtise, de ne pas respecter autrui, de se détruire la santé parce nous avons décidé inconsciemment, d'un commun accord, de laisser ce qui nous tracasse de côté et d'être le réalisateur de notre film, de notre vie, happy end, ou pas.

Benjamin Valbon

Je dédie ce texte à Jeremy Léon

jeudi 21 janvier 2010

A la manière de Charles Juliet

De ville en ville, tu traînes ton enfance. A chacune son lot de souvenirs. Joyeux, tristes, précis, flous, faux, en famille, seule, dehors, dedans. Chaque ville, chaque souvenir, a eu son odeur, son amertume, sa douceur, sa dureté, ses couleurs, ses bruits...
Angers. Inondation. Bien trop jeune pour se souvenir, la famille, les parents te racontent cette anecdote avec humour. Avec le recul tu essaies d'imaginer ta réaction, impossible. Soudain apparaissent des réponses, des hypothèses, tu tentes d'interpréter ton enfance. Peut être que cette peur de l'eau te vient de là ? Angers, premier départ.
Paris. Le gris. Les kilomètres de route. Ce grand bâtiment et ses escaliers. Le fameux tissu rouge et moelleux qui les recouvraient et qui a plusieurs fois amorti tes chutes. Longues et douloureuses. L'ascenseur. Toujours en panne. Les promenades au parc Monceau, dans lequel tu as vécu ton premier déchirement, séparée de ta poupée, oubliée seule sur un banc. Les balançoires où tu devais rester assise parce que la dame te jugeait trop petite pour te mettre debout. Puis les maladies. L'air pollué de la capitale qui abîmait tes petits poumons d'enfant. Paris, second départ.
Lille. Noël. Ton premier bonhomme de neige, ta première sœur. Au début ça t'amuses puis tu commences à regretter le temps où tu étais fille unique. Ton premier filet de sole aussi. Six mois. Lille, troisième départ.
Bourgueil. La famille. Désormais tu vis à côté de ton arrière grand-mère et de te grands-parents. Ta maison est plus grande, il y a même un jardin, avec des vraies fleurs. Ta mère attends des jumeaux, et son ventre te paraît gigantesque. Tu as même un chien, de la SPA. Mais tes parents ont vite rendu cette bête qui fait plus de bêtises que ta sœur et toi réunies. Puis le drame. La plus difficile des épreuves que tu as endurées. La séparation. Ton père, du jour au lendemain, part vivre loin. Très loin. Dubaï. Six mille kilomètres. Traumatisme qui te suivra toute ta vie, tu le sais. Bourgueil, quatrième départ.
Thizay. Perdue. Ta mère a un nouvel "amoureux". Elle t'as traînée, toi et ta fratrie dans ce village perdu. Tu espères qu'il sera gentil. Il a trois enfants et une maison gigantesque. Maintenant tu vis ici, tu n'as pas le choix. Tu te rends compte que plus tu grandis, plus c'est difficile de se faire de nouveaux amis. Tu te sens abandonnée. Tout le monde te laisse. Ton père. Tes amis. Tu pleures, souvent. Tu dois faire avec. C'est ainsi que Thizay ne sera pas ton cinquième départ, mais un nouveau départ. Nouvelle famille, nouveaux amis, nouvelle école, nouveaux souvenirs.

Écrire ses souvenirs. Curieux projet. Effrayant. Peur de faire revivre les mauvais moments. Heureux de retrouver des sensations. Savoir qu'il restera toujours quelque chose du passé, bon ou mauvais. Soulagé d'avoir vécu ces choses difficiles, mais inquiet face à ces évènements que l'on va vivre. Écrire, ça rassure. Pour qu'une bonne fois pour toutes ces souvenirs se reposent sur la page, jusqu'à ce que de nouveaux viennent les rejoindre.

Raphaëlle B.